Rando Puy saint Martin Le vieux Roynac
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Aujourd'hui ,mercredi 15 décembre ,la météo annonce un temps très mitigé avec du brouillard au moins jusqu'à midi .
Normalement était prévu direction : Le vieux Chaffal ,Plan de Baix ? Eh non ! Il y a de la neige là bas ça va pas le faire nous dit l'animateur du jour ,Frédo .
Donc ,notre accompagnateur propose Puy saint Martin ; le soleil doit être bien présent au Sud. C'est donc parti pour la Drôme Provençale .
Aurons-nous vraiment du beau temps ? … à voir …
En fait ,il s'est avéré que monsieur météo a bien tenu ses promesse ,à midi nous avons eu un soleil un peu timide ,mais il était bien là !
Puy-Saint-Martin est une petite commune de moins de 1000 habitants, qui se situe à une vingtaine de kilomètres à l’est de Montélimar, entre le Val de Drôme et la Drôme provençale.
Village perché typique, les maisons sur la colline ont peu à peu été abandonnées et le château a aujourd’hui disparu. Le village s’étend désormais sur la plaine.
Depuis le fief d'origine de "Podium sancti martini", le village a "glissé" peu à peu le long de la pente au fil des siècles pour s'établir au carrefour des routes de Manas et de Montélimar.
Ce qui caractérise Puy-Saint-Martin est sa situation de limite climatique qui se retrouve dans la végétation.
Limite entre le Dauphiné et la Provence, limite entre les dernières collines des Préalpes dioises et la plaine de la Valdaine qui s'ouvre sur la vallée du Rhône à Montélimar, limite entre le Val de Drôme et la Drôme provençale.
Le climat est sec :et oui, Normalement pas de brouillard à Puy-Saint-Martin !
Nous n'avons pas eu de chance voilà tout ,mais qu'à cela ne tienne ,Frédo nous remettra cette balade aux beaux jours avec les fleurs et les beaux points de vue !!!!
Mais du mistral et parfois de la neige en hiver, ce qui n'empêche pas la présence d'une forêt de pins d'Alep, sans doute parmi les plus septentrionaux d'Europe. Oliviers, lauriers, mûriers, cigales également, presque la Provence mais toujours un peu le Piémont préalpin.
Puy-Saint-Martin est situé à 16 km au sud de Crest (ancien chef-lieu du canton), à 26 km à l'Est de Montélimar et à 21 km au nord de Dieulefit.
Les communes les plus proches sont Manas, Roynac, Charols, Cléon-d'Andran, Soyans et La Répara-Auriples.
Nous nous garons au parking dans le centre village à proximité de la gendarmerie .
On accède ainsi au belvédère au pied d'un Christ en croix .
On dispose d'une large vue sur la plaine .
Nous sortons de Puy Saint Martin avec au bord de notre route ,une jolie rocaille d'opuntias .
On suit une piste argileuse qui par temps humide se révèle être "très amoureuse" des semelles de chaussures !!!On s'engage sur un chemin qui s'élève tout doucement.
Le brouillard est bien présent , ici, la terre sablonneuse et argileuse présente une couleur vert caca d'oie.
On atteint une prairie givrée .
Après on retrouve (avec plaisir…) un peu de goudron et on s'empresse de nettoyer un peu nos godillots .
Après des champs de lavandes à perte de vue
On emprunte un cheminement forestier et qui ondule à travers les chênes
et autres arbres entremêlés .
Sur le bord du chemins j'ai pu observer de la monnaie du pape, la lunaire est une plante que l'on peut rencontrer , dans des terrains vagues ou cultivés.
Considérée comme porte-bonheur pour attirer l'argent la Monnaie du Pape serait également symbole de prospérité !
J'ai aussi eu le plaisir de photographier du Fragon petit-houx ou Fragon faux-houx (Ruscus aculeatus) ,
peu hélas avait des boules rouges ....C'est un sous-arbrisseau sempervirent (toujours couvert de feuilles )il est dioïques de la famille des Asparagaceae.
Un sentier mène en aller-retour à l'ancien village du vieux Roynac et Frédo nous donne des explications tout au long du chemin .
La montée est un peu raide au départ, mais nous serons largement récompensés de nos efforts.
Quelques petites montées sèches nous attendent, toujours sur un sentier boisé avec des chênes mais aussi des hêtres et autres feuillus.
Le sentier d’accès est sinueux et étroit, il est important de bien regarder où l’on pose ses pieds.
Vers midi trente nous arrivons aux ruines du vieux Roynac ,c'est à cet endroit que nous allons pique-niquer .
A l'arrivée nos marmottes sont déjà installées dans l'herbe au pied des vestiges du château .
Nous découvrons l'ancien village, d'où dépasse encore un clocher comme pour en indiquer l'emplacement.
A ses pieds sont éparpillées les ruines d'une cinquantaine de maisons médiévales.
L'ancienne église romane, . . . en ruines
Elle était de petites dimensions, avec des ajouts de plusieurs chapelles en style ogival.
Dédiée à Saint Lambert, il n'en reste que le clocher, la voûte s'effondra le 16 juillet 1768.
Le vieux village de Roynac mériterait de l'entretien et une mise en valeur par les autorités locales si elles jugent que cela pourrait être intéressant pour des randonneurs ou des touristes ???
Après une petite heure de détente à l'abri des ruines ,il nous faut bien repartir …
Du romarin en fleurs ..
Au début ,il ne fait pas très chaud ,mais après quelques mètres ça va mieux !
Encore de vastes champs de lavande ...
j'ai eu l'occasion de croiser quelques balisages triangles jaunes au milieu desquels un nombre est inscrit.
Ces balises assez défraîchies et très intermittentes sont pour qui veut s'engager sur ces anciens circuits balisés.
Et Frédo nous conduit dans ce sentier et nous explique la signification de cet ancien balisage .
Nous arrivons aux premières maisons de Puy Saint Martin et nous sommes accueillis par des aboiements ,comme ils sont mimis !
Nous remercions tous Frédo pour sa belle balade ,il nous a promis de la remettre au moment des fleurs !
Histoire ancienne extrait du journal "Au fil du Roubion"
Roynac était un territoire de Valentinois, qui fut inféodée aux Bezaudun en 1263 et passa des 1336 aux Adhemar. Ceux cédèrent le territoire aux Mévouillon (famille) qui la vendirent aux Hostun (famille). Ceux-ci la vendirent en 1648 aux D'Eurre, qui furent ensuite remplacés par les Beaumont de Brison, puis par les Montlovier en 1783, ses derniers seigneurs.
Le châtelain assurait les fonctions, de maire en surveillant les emplois publics, mais aussi celles de juge et gouverneur, dont le symbole fut un gibet au centre du village. Autour du château se trouvait la rue de l'église, le four seigneurial et l'hôpital. A l'extérieur du village se trouvait une habitation isolée, lieu d'accueil des lépreux.
Au cours du XXème siècle
Ainsi le siècle avait démarré dans le nouveau village du hameau des GIRARDS, où nous sommes aujourd'hui ; la population ayant petit à petit descendu du vieux village s'accrochant d'abord dans les côteaux, dans des bâtisses importantes, telles celles de COSTE-SEULE, du FANGEAS, des BESSONS, du CHATEAU de CHEVRIERE, de LAMBERTON, de GAUDISSARD (ancienne fabrique de draps) et d'autres encore, car dans la plaine si fertile et si bien travaillée aujourd'hui existaient alors dans les bas-fonds des marécages dont certains subsistèrent jusqu'à la guerre 1939-1945.
"Au début du siècle le vieux village ne comptait plus que 4 ou 5 habitants, pour la plupart d'une même famille, le dernier Félicien MOUTON, dit le "PATE" fut retrouvé mort sur le bas-flan de pierre le 4 septembre 1917, il était âgé de 73 ans.
Pour faciliter l'installation des habitants descendus du vieux village, une église dédiée à St LAMBERT, tel que l'atteste le vitrail du cimetière actuel autour de la chapelle St MICHEL, construite au XVIe siècle, fut rendu nécessaire à cause de la saturation de celui situé à coté de N.D de PUGET au sud du FANGEAS, il venait tout juste d'être achevé en 1896. Il ne manquait plus qu'une chose à ROYNAC : l'école, ce sera la première réalisation importante du siècle, puisqu'elle fut édifiée dès 1903.
A cette époque la vie était essentiellement rurale, constituée de paysans, d'artisans et de leurs employés. Seuls 2 fonctionnaires, les instituteurs faisaient exceptions. Le village comptait 3 cafés (FAURE, GARINO et CELLIER), 1 maréchal-ferrant (BERANGER), 1 cordonnier (DELOULE), 1 menuisier (DAVIN) fabricant entre autres les cercueils… "hélas", 1 couturière avec 2 employées (GAUTHIER) 2 entreprises de battages (BARON et MOUTON), 1 pompe à essence (MOUTON), 1 épicerie-tabac (FAURE), 1 bouilleur de cru avec l'alambic (Désiré JEUNE), 1 coiffeur (DORIER) et 1 scieur de grumes, bois de service (MOUTON).
Les travaux agricoles étaient tous effectués par traction animale, des bœufs, des chevaux, des mules, il y avait déjà des fermes importantes, telle le château. Là, on avait choisi les attelages de bœufs jusqu'à 6 paires, alors qu'à côté à GRANGEVIELLE, on avait préféré une quinzaine de mules.
On fauchait à la faux, le fourrage, mais aussi le blé. Il fallut attendre 1919 pour voir apparaître les premières lieuses. Pour battre le blé, on avait recours à un rouleau en pierre, transsonique afin qu'il tourne plus facilement en rond, tiré sur l'aire par un cheval, il en existe encore quelques spécimens autour des maisons... pour le décor !
Les cultures étaient peu diversifiées, des céréales, des prairies, des vignes pour la consommation familiale, des pommes de terre et quelques légumes, et jusqu'aux année 1960, quelques dizaines d'hectares de betteraves sucrières pour l'industrie. Enfin, des cochons qui avec les volailles, constituaient alors les seules viandes consommées dans les fermes.
En ce début de siècle, on ne peut pas parler d'agriculture, sans évoquer une culture bien particulière qui pendant des décennies fit le bonheur des paysans : l'élevage des vers à soie. Le sol profond et humide de notre plaine convenait tout à fait à la plantation des mûriers. On en compta jusqu'à près de 2000 dans les années 1910-1914. Il en reste aujourd'hui moins de 50. Dans chaque ferme, on avait aménagé de vastes greniers, avec des cheminées rudimentaires dans les angles. On appela ces locaux : Magnanerie, mot venant du patois "MAGNIAU", c'est-à-dire : ver à soie. Les œufs, appelés "graines", étaient vendus au poids, évalué en ONCES. Une once valant 30 grammes et des poussières, pour éclore les œufs devaient être maintenus à une température d'environ 30 degrés légèrement humide. Ils étaient placés sous le foyer de la cheminée, entourés de chiffons. Ils attachaient beaucoup d'importance à l'éclosion des vers à soie, et pour être sur que la température serait adéquate, les femmes n'hésitaient pas à placer les graines dans des petits sacs ajourés qu'elles portaient sur leurs poitrines. C'était une récolte qui venait vite, 5 à 6 semaines, qui n'engageait que peut de frais, tout en apportant un complément de revenu important.
Une autre culture, particulière à ROYNAC, était celle de la production de graines de luzerne. Cette culture très capricieuse, exigeait un bon terrain, un ensoleillement important et l'absence de rosée, avec le mistral à ROYNAC, ces 3 conditions étaient réunies. En 1950, il y avait 2 entreprises de battage, bon an mal an, elles battaient 500 quintaux chacune. Les agriculteurs des communes environnantes, un peu jaloux disaient "A ROYNAC, vous avez de la chance, vous faites GRENER !". C'était une vraie richesse, mais les graines n'avaient-elles pas la couleur de l'or ?
La motorisation de l'agriculture se réalisa soudainement dans les années 50. Avant 1939, on dénombrait moins de 5 tracteurs, dont 2 étaient exclusivement utilisés pour les travaux de battage. Il s'agissait de tracteur à pétrole avec des roues en fer et des crampons de 15 cm de haut, un siège en fer, sans ressort. Si on avait placé sur le siège un petit sac rempli de noix et qu'on fasse le trajet de ROYNAC à CLEON, il y a fort à parier que de l'huile aurait coulé en cours de route. C'est à partir de 1955, que les tracteurs à pneus arrivèrent sur le marché et en moins de 10 ans toutes les exploitations s'étaient équipées.
Ainsi, en une décennie, l'on passa d'une agriculture moyenâgeuse, à une agriculture moderne et performante. On sait aujourd'hui, que ce n'était que le départ d'une mutation sans fin, qui allait accélérer l'exode rural."
Les insurgés de 1851
Le jour où les Drômois emmanchèrent les faux à l’envers…
L'insurrection de 1851 dans la Drôme
Le jour où les Drômois emmanchèrent les faux à l’envers
Ces insurgés furent arrêtés, interrogés, puis emprisonnés ou exilés en Algérie, pour avoir participé à l’insurrection de 1851 en Drôme-Ardèche après le Coup-d’État de Louis Napoléon Bonaparte.
Dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, le Président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon 1er fait arrêter les députés royalistes, légitimistes ou orléanistes, faisant croire qu’il sauve ainsi la République. Des affiches annoncent la dissolution de l’Assemblée Nationale et le rétablissement du suffrage universel. En fait, ce que veut Louis-Napoléon Bonaparte, élu pour 4 ans, c’est prolonger ses pouvoirs de président pour 10 ans. Mais le peuple est berné et Paris réagira peu : quelques barricades, 1 500 à 2 000 hommes entraînés par des députés républicains. En face, il y avait 20 000 soldats ! Mais dans le Midi, notamment dans l’Ardèche et la Drôme, de véritables armées populaires vont se lever, à Die, Dieulefit, Bourdeaux, Privas, Montélimar et ailleurs, au nom des libertés bafouées, d’une révolte contre la misère et d’une exigence de dignité.
A l’annonce du Coup d’Etat, le 3 décembre, CREST s’agite. Dès le 4, deux colonnes venant de Die, et de Loriol convergent vers CREST. Maires en tête, la première s’accroît au fur et à mesure qu’elle traverse Les villages. Vers Aouste, la garnison de Crest l’arrête. Après avoir échangé quelques coups de feu avec l’armée, les insurgés se réfugient dans la montagne. Le lendemain, ils essayent de prendre la ville de Crest par les hauteurs mais doivent reculer. Au même moment, arrive une colonne venant de Grâne. De Valence, les autorités inquiètes, envoient des renforts à l’armée et les républicains doivent se réfugier dans les collines.
Mais tout n’est pas fini. Dès le 4 décembre au soir, l’effervescence s’empare de Dieulefit. La population paysanne se mêle aux 300 ouvriers de la draperie Morin. Le 5 se passe dans l’attente d’un ordre. Le 6, cette troupe menée par Darier, pharmacien,prend la route de Bourdeaux où elle arrive quelques heures plus tard. Vers 4 h du matin, ils étaient environ 1 500 ou 1 600, bourgeois, cultivateurs, catholiques ou protestants. Les gendarmes de Bourdeaux se laissent désarmer. Cette troupe se présente devant Crest le 7 au matin. Depuis Dieulefit, elle a fait 40 km à pied. Elle s’est grossie d’éléments en passant à Saoû et d’autres venant de Puy St Martin, Manas, Pont de Barret, Charols, Saint Gervais. Cette armée populaire de 5 à 6 000 hommes marche sans discipline, brandissant des fusils et des faux. Devant Crest, elle se heurte à l’armée qui, malgré les efforts de Darier pour organiser ses troupes, disperse tout le monde. 5 ou 6 hommes sont tués, quelques-uns blessés grièvement. Les fuyards regagnent leurs villages et leurs foyers comme ils le peuvent. Certains rescapés de la bataille rejoignent d’autres républicains à Cliousclat, Saulce et Mirmande, et marchent sur Loriol où ils rencontrent des artilleurs.
« Des feux flambaient dans la montagne, au-dessus de Marsanne, de Roynac, et le tocsin sonnait partout. au fond de la Valdaine, la cloche de Charols se mit aussi en branle entre 9 h et 10 h du soir, pendant une quinzaine de minutes ; une vingtaine d’hommes partirent pour se joindre à ceux de Saint-Gervais. Dans cette commune, le tocsin de Marsanne, vers 7 h, avait été le signal du soulèvement. Les frères Marcel crièrent : « Aux armes ! » ; Joseph, le benjamin, un apprenti maçon de seize ans, apportait à ses trois aînés de gros cailloux, avec lesquels ils enfoncèrent la porte de l’église ; ils se mirent à sonner la cloche. D’autres insurgés, pour répondre aux feux qu’on voyait sur le serre de Paruel, au-dessus de Marsanne, allumèrent un grand brasier à l’extrémité du jardin de l’ancien château. Partout, les gens s’agitaient, allant de la place publique à la place de l’hôpital, emplissant la salle du café. Les femmes firent plusieurs fois le tour du village en criant « Houe ! houe ! » et la jeune Virginie Brozille, 21 ans, mariée au garde qui l’avait amenée du Var six mois auparavant, tenait des propos menaçants contre les Blancs.
« Tout le monde, selon l’adjoint, semblait être dans le délire ; on eût dit aller à une fête de village. »
Joseph Borel, granger de M. Turin, s’était emparé du fusil de son maître et, avec d’autres, tirait en l’air, en criant : On va à Montélimar ! Les femmes mêlaient leur chant à ceux des hommes. A l’exception des vieillards et de cinq à six personnes, nul ne manquait à l’appel, pas même ceux que l’on appelait « les Mômiens », des protestants dissidents relativement peu nombreux dans ce village catholique. Les réunions dominicales qui les rassemblaient chez le boulanger où ils étudiaient ensemble l’Évangile, où ils partageaient le pain et le vin, avaient été interdites au mois d’août ; le paisible paysan Jean-Antoine Dumas, traité par le maire « d’imbécile » (« il est protestant et ne s’occupe que de la Bible et de l’Ancien Testament ») arriva avec son fusil de chasse chargé de petit plomb.
Quand vers 8 h sonna le tocsin, hommes, femmes et enfants se rassemblèrent sur la place dont les issues étaient gardées par des sentinelles.
Le maire étant« indisposé » ; le commandement fut proposé à l’adjoint Gougne, cultivateur. Il refusa en alléguant « qu’il avait peu de connaissance de l’art militaire » et l’on nomma « président » le cordonnier Prosper Chavanet, un ancien soldat âgé de 29 ans. L’un des frères Marcel, André, fut désigné comme « vice-président » ; il avait servi de mai 1848 à avril 1850 à Lyon, dans le bataillon d’ouvriers de l’administration, et il en avait ramené des idées socialistes, qui l’avaient fait révoquer de sa place de garde champêtre Chavanet harangua la foule, déclara que « le premier qui ferait quelque chose d’inconvenant serait sévèrement puni », que les soldats ne tireraient point, ou tireraient en l’air. « Tireraient-ils qu’il ne faudrait pas tirer sur eux. »
Les hommes de Charols, et d’autres de Bonlieu, où le tocsin n’avait pas sonné, participaient au rassemblement. Deux cents hommes armés de fusils, de sabres, de fourches, de râteaux en fer se formèrent en colonne et le plus jeune des Marcel, un bâton à la main, y prit place, « avec d’autres enfants de son âge ». Le notaire Arsac, usurier et mouchard, dont on avait beaucoup à se plaindre, avait été pris en otage ; on le força à suivre, avec sa fille Adeline, qui ne voulut pas le quitter. En chantant La Marseillaise et en tirant des coups de fusil, la troupe se mit en marche vers Larra. Arsac, qui était âgé de 61 ans, se plaignant de ne pouvoir suivre ; on le hissa dans le tombereau d’un granger de Bonlieu et il fut ainsi conduit jusqu’à Sauzet, où il parvint à s’échapper. »
Ce même jour, 8 décembre, à Marsanne, 4 à 600 insurgés marchent sur Montélimar. A Saint-Marcel, ils rencontrent une colonne de deux compagnies de Montélimar. Mais les deux sergents n’osent pas commander le tir à leurs hommes et les soldats se replient sur Montélimar. Mais dès le lendemain, les troupes s’emparent de Sauzet et Saint-Marcel. La victoire a été de courte durée !
Ce fut la dernière tentative d’insurrection. Les familles compromises se demandent maintenant comment va réagir l’autorité.
Le 20 décembre, le plébiscite en faveur de Louis-Napoléon sera voté sans incident. On peut penser qu’une bonne partie de ceux qui auraient dit « non » n’avaient pas le droit de vote !
Pourquoi et comment ce soulèvement rural put-il avoir lieu ?
La raison est d’abord politique : il fallait mettre un terme aux ambitions de Louis-Napoléon Bonaparte et installer une République « sociale ». Reportons-nous 3 ans en arrière : à la chambre des Députés en 1848, sur 800 élus, il y a eu 300 républicains véritables seulement. Les élus étaient des notables, assez riches pour pouvoir financer leur campagne d’affiches, et qui avaient disposé de beaucoup de temps pour parcourir la région.
Cependant, dans la Drôme avaient été élus 6 républicains authentiques, seulement 2 étaient de droite. Puis les tenants du parti de l’Ordre s’étaient entendus pour faire élire un Président de la République de leur choix, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon 1er et héritier de la couronne impériale. Bien que les paysans soient plutôt bonapartistes (à leurs yeux Bonaparte est le continuateur de la Révolution de 89) la victoire de Louis-Napoléon fut moins nette dans la Drôme et dans l’Ardèche que dans d’autres départements. Il faut dire que les Comités Républicains avaient fait une intense contre-propagande. Les élus républicains de 1848 seront tous réélus en 1849. Pourquoi est-on moins bonapartiste dans la Drôme ? Le contexte religieux l’explique partiellement. L’implantation des protestants y est importante : 331 familles à Cliousclat, 161 à Grâne, 1 200 à Bourdeaux, 30 à Poët-Célard, 50 aux Tonils (archives de 1807). En 1854 à Loriol il y avait 1 193 protestants et 2 416 catholiques... 25 à 60 % de protestants dans cette région affectée par l’insurrection. Les protestants sont l’élément moteur de l’anti-bonapartisme. L’Ancien Testament apprend que le pouvoir absolu n’est pas agréable à Dieu, d’où leur inclination à la démocratie et donc leur rejet de l’Empire. Ils ont également un problème d’enseignement : si les catholiques peuvent avoir leur école, il n’en est pas de même pour eux, pas assez nombreux dans les villages pour la financer. Enfin les protestants sont contestataires de tradition et d’éducation.
Mais ceci n’est pas encore suffisant pour s’opposer à Louis-Napoléon Bonaparte. Il faut d’ailleurs noter que le chef des insurgés de Dieulefit était catholique. Cherchons donc une autre explication !
Partout, dans les vallées du Jabron et du Roubion, il y a surtout de tout petits propriétaires (moins de 5 hectares) et la vie y est rude. En 1850-51, le cours du blé est le plus bas du siècle : 13 à 17 F l’hl, alors qu’il est monté jusqu’à 80 F. Le bétail est peu nombreux. Les paysans s’entraident. On fait du troc. Alors, pour avoir quelques sous, le paysan devient ouvrier saisonnier, lui, sa femme et ses enfants aussi : 12 h en usine, 4 h dans les champs. Dans les vallées il y a de nombreuses petites usines, magnaneries, filatures, tissages de la soie. Les enfants au moulinage sont astreints à travailler de nuit. Dans certaines usines, il faut payer pour être apprenti. Le travail se fait debout toujours. Lyon devient le pôle d’attraction. C’est une ouverture sur le monde extérieur, le monde ouvrier des villes. Des idées avancées pénètrent ainsi jusque dans les campagnes qui comptent ici moins d’illettrés qu’ailleurs.
Des insurrections ont déjà éclaté en 1849 à Lyon où des Drômois étaient impliqués.
Tous les départements de la Région militaire sont depuis en état de siège : journaux censurés, livres interdits, cafés surveillés ou fermés, fonctionnaires révoqués, réunions interdites… L’étouffement des libertés s’aggrave en 1850 : la loi Falloux ne reconnaît le droit de vote qu’à l’électeur séjournant depuis au moins 3 ans dans le canton. Conséquence : le droit de vote est retiré à 1/3 des électeurs, ouvriers, journaliers, domestiques qui, en quête de travail, changent souvent de résidence.
Dans la région, les populations manifestent leur mécontentement à l’occasion des fêtes traditionnelles :
Le traditionnel Carmentran, mannequin de paille qu’on promène le jour du Carnaval avant de le juger et de le brûler prend maintenant des allures particulières : à Ancône, en février 1850, il ressemble vraiment beaucoup à Louis Napoléon et les jeunes l’ont coiffé d’un bonnet rouge. Bien entendu, ils déclareront tous n’avoir pas remarqué cette ressemblance ! (...)
Le carnaval de Saint Gervais sur Roubion revêt un autre aspect car le contexte est douloureux. Le clerc de notaire Arsac a dénoncé le maire Gourjon, chez qui se fabriquerait de la poudre et l’instituteur Urdy qui se livrerait à la propagande socialiste jusque dans sa classe. Même si le sous-préfet pense qu’il s’agit d’une vengeance, des visites sont effectuées sans résultat, au domicile des deux hommes : effrayée par cette perquisition, madame Urdy, l’épouse de l’instituteur, mère de cinq enfants, meurt peu après. Le Carmentran qu’on promène les 10 et 12 février ressemble sans équivoque à Arsac : comme lui, il n’a qu’un bras. Sur sa poitrine, un écriteau porte sa condamnation à mort. Il est brûlé sur la place, dans l’allégresse générale. Le préfet est bien embarrassé, il se contente « d’inviter » le maire et son adjoint à démissionner.
En 1850, le préfet de la Drôme, Ferlay, renforce l’état de siège : l’inquisition militaire et policière se déchaîne de manière odieuse.
Exemple d’excès de zèle des forces militaires
Le 11 août 1850, les gendarmes sont envoyés à St Gervais pour y disperser un attroupement : ce sont des hommes, mais surtout des femmes et des enfants, des Mômiens, au nombre de 150 environ, venus là comme tous les dimanches chanter des cantiques et entendre la prédication de l’officiant Jacques Barbe. Quatre hommes sont arrêtés et passeront 2 jours en prison pour interrogatoire. Mais Ferlay était content : « Il suffit de montrer les dents à ces gredins pour les rendre souples comme des gants » écrit-il en septembre.
C’est donc dans une région misérable qu’a éclaté l’insurrection, spontanément, sans préparation aucune, et c’est d’ailleurs pour cela qu’elle a échoué totalement.
La répression
Dès le 9 décembre 1851 commence une dure répression. Les rescapés des fusillades vont se retrouver en prison à Montélimar, Valence ou Crest, dans la tour, facilement arrêtés car souvent connus de la police en tant que membres des sociétés secrètes, nées des clubs dissous par Louis-Napoléon Bonaparte (30 000 Membres pour 300 000 habitants).
1 600 personnes sont arrêtées dans la Drôme dont 1 100 graciées après le 20 décembre
400 personnes sont déportées au bagne de Cayenne ou en Algérie, dont un de nos Saint Gervaisiens.
Une seule fut condamnée à mort et exécutée.
Beaucoup se réfugièrent en Belgique ou en Suisse.
La répression à Roynac
Suite aux évènements du coup d'état du 2 décembre 1851. Les personnes ayant participé furent condamnés à la transportation, l'expulsion du territoire, à l'internement ou à la mise sous surveillance par la haute police.
Ces personnes déposèrent en masse auprès du ministre de la Justice un dossier de recours en grâce.
Thomas AUMET, Cultivateur à ROYNAC, Transporté, (973 GP Drôme), Grâce du mariage le 02/02/1853
Sébastien BASTIEN.
Joseph BEAUME (°1814), Maréchal ferrant à ROYNAC, Transporté, (978 GP Drôme), Grâce du mariage le 02/02/1853;
Jacques BEAUTHEAC.
Casimir BRUGIER (°1820), Cultivateur à ROYNAC, Soumis à la surveillance, Grâce du 05/01/1853.
Aimé CHAIX (°1822), Cultivateur à ROYNAC, Soumis à la surveillance, Grâce du 05/01/1853 .
Aimé DAILLANS.
Jean Antoine JEUNE (°1815), Maçon à ROYNAC, Transporté en Algérie, (768 GP Drôme), Grâce du 25/08/1852.
Urbain NOYER;
Jean MAURIN, Aubergiste à ROYNAC, Transporté, (978 GP Drôme), Grâce du 05/01/1853.
La répression à Saint Gervais sur Roubion
Crest : L'insurgé
A Saint Gervais, 28 habitants, dont une femme, furent arrêtés, interrogés, sur dépositions, témoignages, accusations « outrageusement travestis, grossièrement déformés : dénonciations ou aveux faits sous la contrainte, la peur, la jalousie, l’esprit de vengeance, interrogatoires préfabriqués, absences de preuves… » Ils attendent en prison l‘étude de leur dossier et leur jugement par la Commission mixte créée en Février.
Les frères BEC, cultivateurs : Auguste, 30 ans et François 33 ans, accusés d’être allés à Sauzet dans la nuit du 6 au 7 décembre avec un fusil chargé. Libérés mais soumis à la surveillance de la police générale jusqu’en juin 1853. Le maire a déclaré qu’ils étaient « de bonne vie et mœurs, et leur conduite a toujours été irréprochable ».
Chavanet Prosper, 30 ans, cordonnier, déclaré de bonne conduite dans une famille honorable et laborieuse. Il est tout de même passé en conseil de guerre et condamné à 10 ans de détention le 13 mai 1852 pour « incitation à la guerre civile, port d’arme dans un mouvement d’insurrection et affiliation aux sociétés secrètes » Il est détenu à, Belle-Ile-en mer. A la suite d’une demande de grâce au Préfet et une lettre signée du maire Fert, du curé Sauvebois et de l’instituteur Friot qui demandent qu’on l’excuse : « il a été perverti, mais il est travailleur, dépourvu de fortune », « c’est un égarement momentané », sa grâce est accordée le 15 mai 1856 (à l’occasion du baptême du prince impérial ?) Il reste sous la surveillance de la haute police. Il va habiter à Montélimar.
Freydier Antoine, 53 ans, maréchal-ferrant. Il a déjà été condamné à St-Gervais pour injures faites au maire et au notaire Arsac. Il passe pour être « haineux et vindicatif » mais s’occupe peu de politique. D’après un témoignage, il aurait crié « Coquins de Blancs, on va vous couper la tête ! » Il est déporté en Algérie pour 5 ans, puis gracié le 2 février 1853. Il s’est engagé « à ne jamais faire partie d’une société secrète, à respecter la loi et être fidèle au gouvernement que le Pays s’est donné. » Il choisit Montélimar comme lieu de son internement...
D’autres : 4 cultivateurs, 1 boucher, 1 cordonnier, 1 propriétaire, 1 apprenti maçon, 1 cafetier, 1 charron furent soumis à la surveillance de la police générale.
Parmi les « mouchards » zélés, le notaire Arsac Joseph, secondé par sa fille, a déposé contre la plupart des personnes arrêtées comme de « mauvais sujets » faisant partie des sociétés secrètes.
Le curé, le maire, sollicités comme témoins, eurent une attitude plutôt neutre et généralement bienveillante. Pour preuve un extrait d’une lettre du maire Fert au Préfet en faveur des insurgés libérés, datée du 22 mars 1852. Après avoir loué « la générosité du prince », il continue ainsi : « Nous commencerons par vous exprimer notre reconnaissance pour l’indulgence dont vous avez usé, sauvant le plus grand nombre de nos détenus. Ils ont profité de la leçon que leur ont donnée les événements ; ils réparent leur faute par une conduite (...) à l’abri de tout reproche depuis leur élargissement. Des moyens de séduction avaient été employés pour les entraîner ; leur défaut d’instruction les rendant incapables d’entrevoir les projets criminels que révélaient les promesses fallacieuses du parti démagogique : vous avez fait preuve à la fois de discernement et d’intelligence en les considérant comme plus égarés que coupables et en ordonnant leur mise en liberté, de concert avec les honorables membres de la commission départementale chargée de se prononcer sur leur sort. Nous vous en remercions très sincèrement... »
En 1910, la municipalité de Crest érigea le monument sur la place de la liberté à l’emplacement de la bataille du 7 décembre 1851. « L’insurgé » jeune paysan, son fusil à la main, brave du regard la tour-prison.
En 1942, les autorités déboulonnent la statue (on comprend pourquoi). Un nouvel « insurgé a été mis en place en 1991.
Les détenus du département quittent peu à peu leur geôle, libérés par des grâces qu’accorde l’Empereur à l’occasion de son passage à Valence le 23 septembre 1852, de son mariage, de sa fête, de la naissance du prince impérial. La condition : faire acte de soumission. Les derniers insoumis ne seront relâchés qu’en 1859, sans condition, lors de l’amnistie générale.
Sources
« L’espoir au cœur » - G.J. Arché – Ed Curandera.
L’encyclopédie de la Drôme - Ed La Fontaine de Siloé.
L’histoire de Montélimar - Ed Privat.
Ah ! Quand viendra la Belle... - R. Pierre - Ed. Notre Temps.
1851, 10 000 Drômois se révoltent - R. Serre - Ed. Peuple libre Éditions.
D. Orand, archiviste pour la liste des personnes arrêtées et pour ses conseils.
L’état civil de St-Gervais.
Les archives départementales pour les dossiers d’insurgés.
Le titre de l'article est emprunté à La Drôme Encyclopédie - Ed La Fontaine de Siloé.